Suzanne de Schrevel, logopède et orthophoniste, accompagne les enfants qui éprouvent des difficultés concernant le langage oral : parler, prononcer et comprendre sont problématiques. Elle accompagne aussi les enfants et les adolescents affectés dans leur langage écrit. En parallèle, elle est coordinatrice pour les élèves à besoins spécifiques en écoles secondaires.
Suzanne, outre sa prise en charge logopédique dite « classique, conventionnelle », a décidé de travailler en amont et propose d’écouter et d’outiller les parents AVANT que le retard ou le trouble ne soit un frein pour l’enfant. En effet, « prévenir plutôt que guérir » est son fer de lance : elle aide donc les parents à mettre en place des stratégies gagnantes au quotidien et les informe des signes d’alerte qui doivent les amener à consulter rapidement.
Nous avons posé cinq questions à Suzanne à propos du rapport que l’enfant peut entretenir avec la lecture.
1. En quoi la lecture est-elle importante pour le développement de l’enfant ?
Dans l’acte de lire, il faut distinguer deux axes : celui de la lecture par l’enfant et celui la lecture pour/à l’enfant. Je vais aborder la seconde lecture, celle du parent qui lit, peu importe l’âge de son enfant et peu importe si ce dernier sait déjà lire par lui-même ou non.
La lecture est un moment privilégié, un moment d’échange, d’interaction important pour le développement de la communication et du langage chez l’enfant. Elle permet d’étoffer le vocabulaire car les mots utilisés dans la littérature sont différents de ceux du quotidien, souvent plus précis et plus variés. De plus, le monde des livres est vaste, l’enfant peut découvrir des univers éloignés du sien, enrichir ses représentations du monde et par-là même découvrir de nouveaux mots. Dans la littérature, les enfants sont aussi confrontés à des tournures de phrases différentes, à des phrases plus complexes, plus longues. Mais aussi à l’utilisation de temps de conjugaison inhabituels dans la langue orale. Ceci enrichit considérablement la conception de la langue chez l’enfant. Tous ces éléments sont cruciaux dans l’apprentissage scolaire, et si la lecture est abordée de manière agréable à la maison, ces points élémentaires de grammaire vont être bien plus facilement appréhendés et assimilés par l’enfant.
2. À quel âge faut-il commencer à intéresser son enfant aux livres ? Lire des livres à son bébé, une drôle d’idée ?
Je dirais qu’il n’y a pas d’âge, on peut déjà lire à son bébé in utéro. Le livre peut être un jeu pour un tout petit. Le but est d’arriver à lui faire associer « livre » et « plaisir ». À partir de là, peu importe son utilisation. Au début, le jeune enfant va le mâchouiller, le lancer, le toucher (oui, le malmener !), et puis finalement il va le regarder, se l’approprier et surtout passer de bons moments avec ses parents, un livre entre les mains.
Mine de rien, l’enfant développe son imagination, son attention visuelle, son attention auditive, son attention conjointe avec ses parents, sa concentration et puis, par la suite, il découvre les mots, les phrases et tout ce dont nous venons de parler précédemment.
3. Si mon enfant ne montre aucun intérêt pour la lecture, comment la lui faire apprécier ?
Dans un premier temps, il faut partir de l’intérêt de son enfant. C’est pour moi primordial de choisir un livre que son enfant aime. Peu importe les considérations de son parent ou de l’adulte, ce qui est important est de partir de ce dont l’enfant a envie, lui. Ce n’est donc pas grave s’il s’agit d’un livre sans texte, un livre à toucher, un livre de comptines…
Même si l’enfant est un peu plus grand et désire un livre de plus petits, on a toujours des choses à ajouter à la lecture en tant qu’adulte. Pour les plus grands, si l’enfant a envie de lire une bande dessinée, un manga, un magazine sur son sport favori, qu’importe, tant que le plaisir est au rendez-vous. Vraiment, il est judicieux de lier l’intérêt et le plaisir à la lecture, quel que soit le support.
Dans un deuxième temps, ce qui est important pour moi est de rendre le moment de lecture le plus agréable possible. Par exemple, en créant une bulle pour le moment de lecture, pendant lequel le parent est 100% disponible : le téléphone est mis de côté, en silencieux, loin et on ne le regarde pas. On est uniquement dans l’interaction avec son enfant.
On peut aussi imaginer que la lecture se déroule dans un endroit « cocon », en hiver sous un plaid au coin du feu, en été dehors dans l’herbe à l’ombre d’un arbre. L’idée est de rendre le moment de lecture le plus positif possible pour tout le monde : pour l’enfant mais aussi pour l’adulte.
Le parent a aussi un rôle, celui de rendre l’histoire vivante en utilisant une grosse voix, une petite voix, en ajoutant des bruits, en vivant lui aussi l’histoire intensément pour faire passer le plaisir de la lecture et aussi celui du moment partagé.
4. Qu’est-ce qu’un bon livre ?
Il n’y a pas de bon ou de mauvais livre ! Un bon livre, c’est surtout un livre qui plait à son enfant, à l’adulte aussi, qu’on trouve beau, qui porte sur nos valeurs, ou qui nous intrigue par son titre ou sa couverture.
Parfois, évidemment, il y a des livres qui sont moins ou pas adaptés mais il n’y a pas de mauvais livre pour autant. Quand je dis « moins adapté », j’ai en tête qu’on ne va pas lire un thriller à un enfant de 2 ans ! (rires) J’exagère évidemment, mais il faut avoir du bon sens et rendre la lecture adaptée. Je prends un exemple : un enfant va s’emparer du livre de son frère ou de sa sœur plus âgé(e), avec une histoire trop longue pour lui. Ce n’est pas grave, on commence quand même l’histoire mais on l’explique d’une autre manière : on décrit les images, on raconte différemment.
Encore une fois : tant que le moment est agréable !
5. En tant que maman, que conseilles-tu au quotidien pour rendre la lecture du soir agréable pour l’enfant ET le parent ?
L’histoire du soir ne doit pas être une corvée en effet : elle doit rester un moment de plaisir. En tant que maman, je ne connais que trop la rengaine : un livre, un deuxième livre et ensuite vient l’habituelle phrase « Allez, s’il te plait maman, encore un livre »… Finalement, en tant que parent, on a juste envie que ça se finisse. Le plaisir n’est alors plus présent. Mon astuce est d’utiliser un temps défini pour la routine du soir. Par exemple : « Jusqu’à ce que l’aiguille soit sur le "5" » ou « dix minutes sur le minuteur visuel ». On peut commencer un livre et s’arrêter, même au milieu de celui-ci, lorsque le timing est fini. À la manière d’une série télévisée, on peut annoncer un « la suite… demain ! » ou « suite au prochain épisode ! ». On glisse un petit marque-page, un dessin fait par l’enfant par exemple. On peut sans problème s’arrêter dans l’intrigue, ceci permet d’ailleurs un échange entre l’adulte et l’enfant : « Que va-t-il se passer, selon toi ? » « Comment imagines-tu la fin ? »
Pour les plus petits, si la lecture est courte et qu’il reste du temps, on peut alors proposer une seconde lecture. On peut aussi relire plusieurs fois le même livre avec des plus jeunes car à chaque lecture l’enfant s’approprie un peu plus l’histoire et l’apprécie davantage.
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Si vous désirez prendre rendez-vous avec Suzanne, rendez-vous sur son site.
Nous vous conseillons l'article très complet suivant pour repérer les cinq signes d'alerte dans le développement du langage chez l'enfant.
Retrouvez les conseils et astuces de Suzanne sur…
Son site : www.suzannedeschrervel.com
Ses réseaux : « Sur le bout de ta langue » et Suzanne de Schrevel - logopède & orthophoniste.